Je suis en cloque

J’ai réussi à dormir deux heures, pas d’un sommeil profond, mais de quoi me redonner un semblant d’énergie pour repartir. Il est 4h du matin, l’heure de reprendre la route.
Il fait encore nuit, je décide d’aller voir Time Square. Le dos va bien, mais les pieds sont foutus pour le reste du séjour, merci Chelsea Spot Hostel de m’avoir fait courir pour espérer trouver un hôtel. En plus de la marche forcée, faute de chambre je n’ai pas eu l’occasion de pouvoir brancher ma batterie du 5d et me contente encore pour l’instant de mon compact.
Je repasse par Madison Square pour revoir le Flatiron, ce bâtiment est vraiment emblématique, il m’attire comme une mouche à merde est attirée par une belle bouse. Je reste donc pour l’admirer pendant que je me trouve seul sur la place.
Je prends Broadway, comme quoi je ne suis pas rancunier d’hier. Je m’imaginais voir plus de théâtres et d’affiches, mais c’est seulement en continuant et en arrivant sur Time Square que la démesure du lieu prend tout son sens. C’est impressionnant, le lieu porte bien son nom de « Voie Lactée ». Il y a des lumières partout on ne sait pas quoi regarder et en même temps ce n’est que de la pub, mais une fascination sort de cette confrontation. Je prends même le temps de prendre une des chaises de terrasse se trouvant là pour regarder posément ce qui m’entoure. Au bout de ça, une barrière d’arbres sort de l’horizon, Central Park, 230 hectares de verdure en plein milieu de la ville la plus démesurée du monde.
En y rentrant un massif de roche m’accueille, il est malhonnête de refuser l’accueil d’un hôte alors je m’installe avec mes songes pour quelques temps. Je suis requinqué pour les heures à venir et commence alors ma balade des lieux, mes pieds ne m’ont jamais fait aussi mal, « It’s unbelievable ».
C’est la première fois que je vois autant de coureurs en dehors d’une course organisée si on n’en voit pas un à chaque seconde, c’est qu’on a du cligner des yeux au mauvais moment. Sans le flot continu de personnes on en perdrait le fait qu’on est en ville. Je fais encore un détour dans Spiderman pour traverser le Bow Bridge. Je ne suis pas le seul, à avoir cette référence un groupe de filles françaises passent par là et ont ouvertement affirmé leur connaissance du lieu. A côté du pont un petit coin tranquille au bord du lac, avec banc et moyen de se mouiller les pieds, un petit bain de pieds s’impose, je rafraîchis aussi mes esprits en écrivant un peu dans mon cahier de notes pour énoncer le plus correctement possible mes faits, à mon retour. J’ai droit pendant ma baignade à un concerto canin, des gens faible d’esprit jettent des balles dans le lac, donc forcément leur animal de compagnie aussi bête que leur maître s’empresse de rechercher la balle, pour satisfaire les caprices de leur semblable humanoïde. Pour agrémenter la scène, des troupeaux de touristes migrent dans les alentours, les européens sont de sortie, je crois bien que je n’ai jamais vu autant de français au kilomètre carré en un an. Je suis fier de ma patrie, le pourcentage de jolies filles ne s’en sort pas si mal.
Sur le lac, un défilé de rameurs s’affole, il y a sans doute une sorte de triathlon, vu qu’ils ont des casques de vélo et des cyclistes. La pluie commence à perler sur l’eau, le ciel est à l’apocalypse, le vent souffle et moi je suis à l’abri sous mon petit préau au bord de l’eau.
Pendant que les derniers participants finissent leur calvaire, la pluie cesse et mon flot d’écriture aussi. Il est grand temps de refaire ma route, sous les bois du parc, je recherche les faiseurs des gazouillis que j’entends, je découvre un oiseau que je ne connais pas, il faudra demander au Chaman. Mes pas me mène à quitter les sous bois pour ressortir sur la jungle urbaine. Cette jungle est plutôt fertile car je sors sur Upper East Side, le quartier le plus riche de New-York, où des battisses de milliardaires ont fleuri. Le quartier est aussi fait de nombreux musées, le MET, le Guggenhein Museum,… Je me souviens d’un hôtel dans le quartier pas dans les hôtels de luxe, mais plus proche de Harlem, je fais les rues en cherchant désespérément avec les souvenirs flous des adresses que j’ai pu voir sur le net, mais en vain, je n’arrive seulement qu’ à me fatiguer davantage.
Étant proche d’Harlem, je vais traîner mon gras dans le quartier qui a vu tant de gens importants pour la communauté noire de la ville et pour le pays, dans la politique, la musique,… Le quartier connu une période néfaste après plusieurs années, mais il est réhabilité et reprend une nouvelle jeunesse.
Je sais aussi qu’il est censé avoir des auberges de jeunesses ici, mais je ne cherche plus, je n’ai pas de mémoire et c’est ainsi, il faut me faire une raison. Ayant mal aux jambes, je ne m’aventure pas trop loin dans le quartier et avec mon petit paquet dans mon sac, je ne suis pas rassuré. En me faisant la 125 St, je trouve un hôtel, je n’y croyais plus, raison pour laquelle ma désillusion fût grande quand je vis « close » sur la devanture.
Devoir faire la belle étoile sur Harlem est trop risqué, je redescends alors vers Central Park, je m’y trouve bientôt et de nouveau un hôtel m’ouvre ses portes. Tant pis même si c’est du 100$, je paie, il me faut du sommeil et du repos pédestre. C’est une sorte d’hôtel de passe, pour 60$ je peux avoir une chambre seul avec un petit lit, si je veux les services de filles c’est plus cher. Pour cette nuit je vais le faire en solo.
En enlevant mes chaussures, je me rends compte comment mes pieds ont doublé et je peux compter sur mes deux mains le nombre de cloques. I Love New-York. Sept, quatre à droite et trois à gauche, j’ai sept cloques, je me lance dans une opération crevaison, pour libérer ma souffrance sur le coup, j’ai encore plus mal, mais après une douche ça devient plus vivable. En revenant dans la chambre, je me pose dans le lit et je tombe tout de suite.
Non, je mens, quelque choses me trotte dans l’esprit, il faut que je touche mon 5D, je déballe tout comme un enfant, le jour de Noël, avec le cœur rempli de magie. Une chose est sûr c’est qu’il est plus lourd et gros que le 350D  et c’est pas une mauvaise chose, pour la stabilité, mais je n’ai toujours pas de batterie, je me fais donc un somme en chargeant celle-ci.

A 17h, je me réveille, parfait je sens que je vais le regretter, mais j’avais vu que le MET était gratuit dans la soirée, C’est ma seule occasion à mon avis, vu ma restriction de budget. Je tente le coup et me dis que je profiterais de la nuit pour me reposer.
A peine dehors, je n’arrive pas à marcher avec mes cloques fraîchement ouverte, mes chaussures me serrent de trop. Je les enlève et me balade en chaussettes dans le parc, je fais la partie Nord que je n’ai pas encore vue, la partie d’Harlem est surtout faite de grands terrains d’herbe et de terrains de baseball, chaque terrain est monopolisé par un match. C’est à se demander si chaque block à son club, vu le nombre d’équipes. A la suite de ça, on arrive au réservoir, un grand bassin au centre du parc, avec la vue sur les beaux bâtiments à la périphérie du parc.
Nous approchons du musée, je teste de remettre mes chaussures mais on dirait que je marche sur des braises. Je vais souffrir au musée, mais ne dit on pas que la culture s’acquiert avec des efforts. Pour rentrer je me rechausse, mais à peine le temps d’aller à l’étage, pour le secteur photo, que je dois m’asseoir car je n’en peux plus. Je compatis aux petits vieux qui ont des problèmes de pieds, j’imagine le calvaire.
Il y a de la moquette parterre, je prends donc l’initiative d’enlever mes chaussures, ne voulant pas abimer cette moumoute. Je revis mes pieds sont tout légers mes chaussures lacets à mon sac, les surveillants me regardent mais ne trouvent rien à me dire. Je n’ai plus mal nu pieds et réalise que j’ai l’impression de me balader comme chez moi, au milieu de Monet, de Rodin, Picasso,… On devrait instaurer la visite des musées en chaussettes, c’est plus convivial. C’est marrant mais avec mes deux sculpteurs de Montréal, André et Michel, je fais davantage attention à la sculpture et j’étudie donc les Rodins qui sont à l’étage.
Il y a aussi une exposition spéciale sur Picasso, je l’avais étudié pour un sujet photo que j’avais fait à St-Luc, je retrouve donc ses premiers travaux, moins connus du grand public, ses séries bleu, rose,…, les peintures avant qu’il n’arrive à son abstraction. A la fin, il y a des diaporamas montrant le travail de reconstitution des œuvres. J’en apprends beaucoup c’est toujours intéressant de voir les coulisses pour arriver à une exposition de ce genre.
Dans la partie contemporaine, on retrouve du Pollock, Rotchko, Litchensein, Wahrol,…
Mine de rien ça fait déjà deux heures que je suis là et je n’ai vu que trois ailes du musée, c’est immense, il faudrait plus d’une journée pour profiter, comme il se doit. Le musée ferme dans une heure, je descends donc pour voir la partie égyptienne. Le musée à le temple de Dendur, cadeaux de l’Égypte, pour l’aide des États-Unis pour la conservation du temple menacé d’inondation. par le barrage d’Assouan. Il est déjà, l’heure de la fermeture, je prends donc le chemin du retour de l’hôtel, le vent souffle comme un diable, je vais éviter de passer par le parc et passe plutôt par Madison Avenue, je continue à flinguer mes chaussettes en rentrant ainsi marchant sur le bitume et m’arrêtant à un resto mexicain dans le bas d’Harlem.
En arrivant à mon hôtel, un couple sort de là, ils me demandent ce que je fais là, en me disant de faire gaffe à mon  » white’s ass ». La fille me charrie alors et me demande si je voudrais de ses services. Je ne parle pas bien anglais, mais certains gestes sont internationaux. Je fais l’innocent ne comprenant rien et ne parlant pas anglais, ce qui est plutôt proche de la réalité et rentre à ma chambre, pour une bonne nuit dans un bon lit mérité.

Time Square

Bow Bridge

Guggenheim Museum

Harlem

Pablo

Chambre avec GPS intégré

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