Le froid s’empare de moi, il glace mon sang et fait hérisser ma pilosité abondante, il est une 1h du matin, j’ai froid. Dehors, il fait 4°c, dans ma tente, mon repos mouvementé a fait tomber la fermeture éclair de mon sac de couchage me laissant sans sa protection pour tout le haut de mon corps. Je me rappelle alors une position confortable et permettant de se réchauffer que j’utilisais souvent étant enfant, déjà dans le ventre de ma mère, elle était courante. Je me mets donc en fœtus, j’irais même jusqu’à dire que je me mets en chrysalide, m’emmitouflant dans mon sac de couchage, laissant apparent uniquement ma bouche et mon nez, pour éviter de trouver le repos éternel asphyxié de si beau matin.
Je retrouve le sommeil, et aussi la chaleur, et dors encore quelques heures avant de me libérer de mon cocon.
6h, le soleil se lève et moi aussi par la même occasion, direction le cours d’eau pour me rafraîchir un peu. Une envie me presse, pas de panique j’ai pris mes réserves de papier, ils sont juste dans mon sac. Bon si ils ne sont pas dans la pochette du haut, c’est dans la pochette du bas, non? Dans la pochette du côté alors? Non plus??? Ahhhhhh je sais sur mon lavabo en évidence pour pas que je les oublie avant de partir après avoir faire mon dernier dépôt. Ahhhhhh trop tard, ce qui devait se passer, arriva, et finalement faute de réserve, il me faut fusionner avec la nature, prions le seigneur que ce n’est pas des feuilles urticantes, sinon les heures à venir sur la selle pourraient devenir irritables.
Quel plaisir de communier avec la Nature…
Ma toilette étant faite, je peux lever le camp, et ainsi charger mon destrier ainsi que mon dos, me voilà prêt pour de nouvelles aventures. Direction… la maison… et oui je sens la déception dans vos yeux, mais c’est pas à moi la faute, dites ça à la société qui me force à travailler pour pouvoir me nourrir, et payer la connexion internet pour vous informer de mon parcours québécois. Mais ne vous en faites pas, je ne vais pas vous dire que je suis repassé par le chemin des soixante, des trente-six ou des quarante, non bien sûr, moi aussi j’ai envie de changement.
C’est donc ainsi que je prends la route pour Ste-Pie, petite bourgade en bordure de la rivière Yamaska, où pas un chat ne sort le bout de son nez à mon passage, seul un groupe de jeunes traînant sur le parvis de l’église peuvent témoigner de mon passage. A peine sorti de cette mamelle bovine, qu’un convoi de bus scolaire me double, en roulant comme des tarés en me frôlant alors qu’ils ont toute la route pour eux, une dizaine me double. Préférant éviter de me faire tailler un short, je m’arrête sur le bas côté. Vu qu’ils ont la priorité sur tout, c’est à croire que les chauffeurs se croient tout permis.
Je me trouve sur l’autre rive de la rivière par rapport à hier, et pour ne pas prendre le même chemin, je me trouve obliger de faire un léger détour jusque St Hyacinthe, où je trouve enfin un pont, qui me permet de changer de rive et continuer ma route vers le mont St-Hilaire. Laissant derrière moi, le Rougemont et le Yamaska, je traverse de nouveau des étendues de champs, où les fermiers s’activent en commençant à semer. Leurs tracteurs sont vraiment imposants, c’est le même type de modèle qu’en France, mais au lieu de mettre une roue de chaque côté, ils en mettent deux ou trois parfois. Il faut dire aussi que leur remorque de labour est trois fois plus large qu’en Europe.
Cela me rappelle mes balades dans la campagne de l’Artois.
Mes coups de pédales, m’amènent à St-Jean Baptiste de Rouville, puis au Mont St-Hilaire, où la montée du chemin de la montagne m’accueille. Je pense bien que je risque de monter les Appalaches avec moins de panache que pendant mes montées du Mont-Royal, car avec mon chargement, je suis déjà obligé ici à monter au plus petit pignon. Mais tant bien que mal, j’arrive à mes fins, je profite de ma faible vitesse de croisière pour admirer les vergers, et les belles bâtisses. Le mont est investi de nombreux vergers, illuminant le paysage lors de la fleuraison des pommiers.
Je continue ma route et descends le mont pour arriver à Belœil après avoir traversé la rivière Richelieu, que je longe par la 223, mais avant de brûler le bitume, je fais une pause, en admirant une dernière fois le Mont St-Hilaire, mon esprit se laissant porter par l’imagination, je me vois déjà dans quelques jours quand je serai entouré de montagnes, absorbé par la beauté des paysages qui s’offriront à moi. Mais trêve de rêverie, il me reste encore un bout à faire.
Un regain d’énergie me porte jusque le Mont St-Bruno, mont que j’ai déjà visité avec David, il y a maintenant quelques semaines, me voilà donc sur des chemins familiers, je ne m’arrête pas dans le parc, cette fois-ci, et roule jusque l’aérodrome de St-Hubert, il me reste tout juste à partir de maintenant un peu plus de 20km, et il est 13h, je peux me permettre de me relaxer un temps, tout en mangeant. Le vieux rêve de l’homme de voler est plus au moins réalisé par l’intermédiaire de l’avion, j’aimerais me trouver derrière le manche et pouvoir moi aussi observer la vie sous un autre angle.
La pause déjeuner étant finie, je passe par la rue, que je maudis depuis mon dernier passage, où lors de ma sortie au St-Bruno, je me suis retrouvé à devoir attendre le retour de David en camionnette pour rentrer chez moi, suite à la rencontre d’un bout de verre, dans le sillage de ma roue arrière. Je suis donc à l’affût, en passant au même endroit, mais cette route est dangereuse, trop fréquentée, même si je voyais un bout de verre, je ne suis pas sur de pouvoir faire un écart, au risque de passer sous les roues d’un de ces gros pick-up.
15h, cela fait du bien de pouvoir envisager de prendre une douche. Le compteur de la journée est alors à 108km, je déclare officiellement, que je suis définitivement prêt pour la Gaspésie.