Archives mensuelles : avril 2010

Les vergers de St-Hilaire

Le froid s’empare de moi, il glace mon sang et fait hérisser ma pilosité abondante, il est une 1h du matin, j’ai froid. Dehors, il fait 4°c, dans ma tente, mon repos mouvementé a fait tomber la fermeture éclair de mon sac de couchage me laissant sans sa protection pour tout le haut de mon corps. Je me rappelle alors une position confortable et permettant de se réchauffer que j’utilisais souvent étant enfant, déjà dans le ventre de ma mère, elle était courante. Je me mets donc en fœtus, j’irais même jusqu’à dire que je me mets en chrysalide, m’emmitouflant dans mon sac de couchage, laissant apparent uniquement ma bouche et mon nez, pour éviter de trouver le repos éternel asphyxié de si beau matin.
Je retrouve le sommeil, et aussi la chaleur, et dors encore quelques heures avant de me libérer de mon cocon.

6h, le soleil se lève et moi aussi par la même occasion, direction le cours d’eau pour me rafraîchir un peu. Une envie me presse, pas de panique j’ai pris mes réserves de papier, ils sont juste dans mon sac. Bon si ils ne sont pas dans la pochette du haut, c’est dans la pochette du bas, non? Dans la pochette du côté alors? Non plus??? Ahhhhhh je sais sur mon lavabo en évidence pour pas que je les oublie avant de partir après avoir faire mon dernier dépôt. Ahhhhhh trop tard, ce qui devait se passer, arriva, et finalement faute de réserve, il me faut fusionner avec la nature, prions le seigneur que ce n’est pas des feuilles urticantes, sinon les heures à venir sur la selle pourraient devenir irritables.
Quel plaisir de communier avec la Nature…

Ma toilette étant faite, je peux lever le camp, et ainsi charger mon destrier ainsi que mon dos, me voilà prêt pour de nouvelles aventures. Direction… la maison… et oui je sens la déception dans vos yeux, mais c’est pas à moi la faute, dites ça à la société qui me force à travailler pour pouvoir me nourrir, et payer la connexion internet pour vous informer de mon parcours québécois. Mais ne vous en faites pas, je ne vais pas vous dire que je suis repassé par le chemin des soixante, des trente-six ou des quarante, non bien sûr, moi aussi j’ai envie de changement.
C’est donc ainsi que je prends la route pour Ste-Pie, petite bourgade en bordure de la rivière Yamaska, où pas un chat ne sort le bout de son nez à mon passage, seul un groupe de jeunes traînant sur le parvis de l’église peuvent témoigner de mon passage. A peine sorti de cette mamelle bovine, qu’un convoi de bus scolaire me double, en roulant comme des tarés en me frôlant alors qu’ils ont toute la route pour eux, une dizaine me double. Préférant éviter de me faire tailler un short, je m’arrête sur le bas côté. Vu qu’ils ont la priorité sur tout, c’est à croire que les chauffeurs se croient tout permis.

Je me trouve sur l’autre rive de la rivière par rapport à hier, et pour ne pas prendre le même chemin, je me trouve obliger de faire un léger détour jusque St Hyacinthe, où je trouve enfin un pont, qui me permet de changer de rive et continuer ma route vers le mont St-Hilaire. Laissant derrière moi, le Rougemont et le Yamaska, je traverse de nouveau des étendues de champs, où les fermiers s’activent en commençant à semer. Leurs tracteurs sont vraiment imposants, c’est le même type de modèle qu’en France, mais au lieu de mettre une roue de chaque côté, ils en mettent deux ou trois parfois. Il faut dire aussi que leur remorque de labour est trois fois plus large qu’en Europe.
Cela me rappelle mes balades dans la campagne de l’Artois.
Mes coups de pédales, m’amènent à St-Jean Baptiste de Rouville, puis au Mont St-Hilaire, où la montée du chemin de la montagne m’accueille. Je pense bien que je risque de monter les Appalaches avec moins de panache que pendant mes montées du Mont-Royal, car avec mon chargement, je suis déjà obligé ici à monter au plus petit pignon. Mais tant bien que mal, j’arrive à mes fins, je profite de ma faible vitesse de croisière pour admirer les vergers, et les belles bâtisses. Le mont est investi de nombreux vergers, illuminant le paysage lors de la fleuraison des pommiers.
Je continue ma route et descends le mont pour arriver à Belœil après avoir traversé la rivière Richelieu, que je longe par la 223, mais avant de brûler le bitume, je fais une pause, en admirant une dernière fois le Mont St-Hilaire, mon esprit se laissant porter par l’imagination, je me vois déjà dans quelques jours quand je serai entouré de montagnes, absorbé par la beauté des paysages qui s’offriront à moi. Mais trêve de rêverie, il me reste encore un bout à faire.
Un regain d’énergie me porte jusque le Mont St-Bruno, mont que j’ai déjà visité avec David, il y a maintenant quelques semaines, me voilà donc sur des chemins familiers, je ne m’arrête pas dans le parc, cette fois-ci, et roule jusque l’aérodrome de St-Hubert, il me reste tout juste à partir de maintenant un peu plus de 20km, et il est 13h, je peux me permettre de me relaxer un temps, tout en mangeant. Le vieux rêve de l’homme de voler est plus au moins réalisé par l’intermédiaire de l’avion, j’aimerais me trouver derrière le manche et pouvoir moi aussi observer la vie sous un autre angle.
La pause déjeuner étant finie, je passe par la rue, que je maudis depuis mon dernier passage, où lors de ma sortie au St-Bruno, je me suis retrouvé à devoir attendre le retour de David en camionnette pour rentrer chez moi, suite à la rencontre d’un bout de verre, dans le sillage de ma roue arrière. Je suis donc à l’affût, en passant au même endroit, mais cette route est dangereuse, trop fréquentée, même si je voyais un bout de verre, je ne suis pas sur de pouvoir faire un écart, au risque de passer sous les roues d’un de ces gros pick-up.

15h, cela fait du bien de pouvoir envisager de prendre une douche. Le compteur de la journée est alors à 108km, je déclare officiellement, que je suis définitivement prêt pour la Gaspésie.

Une journée commence

Mont Yamaska

St-Pie

Vergers de St-Hilaire

Aérodrome de St-Hubert

Yamaska me voilà

Il me reste une semaine de boulot, et comme pour me rendre la chose plus pénible le gérant me fait bosser plus souvent, depuis quand je bosse le Mardi, ici. Pour remédier à cette injustice, je passe des coups de fils aux collègues pour trouver quelqu’un pour me remplacer le Dimanche. Ça ne paraît pas clair d’un premier abord, mais bon vu que le Dimanche, David est en congé, ça m’arrange plus que le Mardi.
Finalement j’arrive à avoir mon Dimanche, grâce à la gentille Katherina, que je remercie si elle lit mon blog.

Après le boulot, je m’empresse de proposer à David de partir pendant deux jours pour se faire du vélo et du camping, pour faire un tester avant le départ, l’idée l’emballe. Adjugé, vendu!
Je rentre chez moi, pour préparer le vélo, porte bagages, sac de guidon, remplissage du sac à dos, produit moustique, couverture de survie et brosse à dents.
Le lendemain, n’ayant rien à manger je passe au marché rapidement. De retour, David vient frapper à la porte et m’annonce qu’il est encore crevé de notre entraînement d’hier, 13 séries de marches. Petit joueur, c’est moche de vieillir.
Je rajoute donc mon magazine Polka pour me tenir compagnie, au campement.

9h30, je suis prêt tant bien que mal, direction le Mont Yamaska approximativement 80 à 90km.

Je quitte Montréal, par Jacques-Cartier contrairement à d’habitude, le sentiment de liberté qui s’empare de moi à sa traversée est plus pesant, sans doute, que mes bagages y sont pour quelque chose. Une fois sur Longueuil, je prends la piste cyclable qui mène à Chambly, celle qui m’avait déjà mené, l’été passé au lac Champlain, cette piste proche de la sensation de la téléportation tellement on roule vite, grâce à son bon entretien, traversant prés, forêts, et voies ferrées.
Chambly, je vous avez dit que c’était rapide, ville se baignant dans la rivière Richelieu, connue pour ses écluses, son canal, sa bière et surtout son Fort. Fort que je ne visiterai pas aujourd’hui, car la ville est envahie par une peuplade de québécois fort enthousiaste, et pour cause, c’est Grenouille en fête. Fête où des plongeurs en apnée profitent de la hauteur d’eau des fontes des neiges pour se laisser porter par le courant des rapides sur un peu moins de 2 km. Résultat, je passe mon tour, pour le Fort, je profite néanmoins de l’architecture pittoresque de la vieille ville.
Je traverse la rivière qui me mène sur l’autre rive, pour suivre le bassin de Chambly, jusque la 133, que je coupe, pour commencer mon périple de rang en rang pour essayer de m’approcher comme je peux, des monts de la Montérégie, Mont Rougemont, Mont Yamaska et les deux autres que je compte voir demain, Mont St-Hilaire et Mont St-Bruno.
Chemin de la pointe de la chemise, Chemin des quarante, Chemin des trente-six, Chemin des soixante, Chemin du cordon,…
M’efforçant d’éviter les gros axes, je me perds dans les chemins au milieu des champs, où le fermier s’active pour labourer ses parcelles, qui sont grandes comme 5 fois la taille des champs français. Ce paysage aplani, vers l’horizon infini, me permet d’admirer les monts qui m’entourent et dont j’approche inexorablement à force de grands coups de pédales pour contrer le vent qui bat dans mes cheveux.
J’ai trouvé ma vitesse de croisière, qui sera sûrement là même pour le mois à venir, c’est à dire faire une pause toutes les heures, pour soulager mes reins, mes épaules et mon dos. Plus le compteur s’alourdit et plus mes pauses s’allongent, mais bon je ne m’en fais pas, c’est ça d’être libre, ne pas avoir d’impératif, d’horaire à respecter, ni de personne à suivre ou à tirer. Je me pose alors à mon bon vouloir, sur le bord de la route, pour manger quelques dattes, où alors faire une petite sieste en regardant les oiseaux se faire la cour.
St-Damase, seconde ville que je traverse, en 10 minutes, le temps de m’engager dans une autre route secondaire me permettant de traverser une nouvelle rivière qui m’amène au pied du Mont Yamaska.
Quand je dis, au pied, il faut s’entendre, que contrairement à ce que je pensais il est impossible de faire de l’ascension en vélo sur les monts, car aucune route ne le traverse, seulement des pistes forestières et des sentiers de randonnées, donc plus précisément je suis au pied du champ, qui se trouve lui au pied du mont.
Cette sortie me permet d’affiner mes techniques d’approches des octogones, ainsi je pratique ma façon d’aborder les gens pour leur demander de remplir ma gourde quand l’eau vient à me manquer, avec dans l’espoir, que l’octogone, alarmé par ma détresse, m’invite à souper et à dormir chez lui. Malheureusement je manque encore de pratique, et cette fois-ci je n’ai eu que ma gourde de remplie, et non mon estomac aussi.
La route avale quand à elle, la distance qui me mène au mont, je trouve un chemin menant dans le bois du mont, mais je fais mon difficile et en regardant ma carte je vois qu’il y a un cours d’eau passant pas loin, je continue alors la route, en espérant trouver un coin au bord de l’eau, inhabité pour poser ma tente et profiter d’un repos bien mérité.
Finalement, j’arrive aux portes de Ste-Cécile de Milton est traverse un pont, surplombant le cours d’eau tant convoité, un sous bois le bordant de chaque côté et un rang longeant l’une des rives, je m’y engage et trouve une entrée dans les sous-bois, je laisse mon vélo, le temps de trouver une place pour la tente. Un grand espace aplati tapissé de feuilles, se présente alors devant moi, juste à côté, les clapotement de l’eau jouent leurs douces mélodies à mes oreilles, je crois bien avoir trouvé ma chambre pour cette nuit, il est 17h40.
En 5 minutes, voilà la tente montée, bon choix des tentes bivouac. Il me reste à me détendre au bord de l’eau, les pieds dans celle-ci, et mon esprit dans la lecture de mon magazine photo. Histoire de m’ouvrir l’appétit comme si les 90km d’aujourd’hui ne suffisaient pas, je remonte la rivière pour faire quelques photos, à mon retour, au campement, je me sens observé. Des yeux sont posés sur moi, caché dans les méandres du sous-bois un animal m’observe, dans les bas-fonds de la rivière une chose attend un moment d’inattention pour s’emparer de moi, je vois ses yeux sortir de l’eau, une grenouille me fixe sans bouger d’un pouce, jouant à la statue alors que je me trouve penché au dessus d’elle avec mon appareil photo en essayant de garder mon équilibre pour ne pas faire un plongeon.
Le menu est assez sommaire, je n’ai pas encore pris mon réchaud et mes réserves de pâtes, donc je me contente de ma baguette, de mon saucisson, de carottes et d’une poire en dessert.
20h, la fatigue appuie de plus en plus fort sur mes paupières et je sombre dans un sommeil, après avoir étudié une route de retour pour le lendemain.

Chambly

Mont St-Hilaire

Le repos du guerrier

New Record: 140km. L’île de Montréal

Plus que trois semaines avant la grande vadrouille, l’entraînement continu malgré les moments de fatigue qu’a mon vélo. J’ai une nouvelle roue arrière, et j’ai appris à régler moi même mon dérailleur, ça pourrait être utile, pour l’ajuster pendant le voyage, il se fait vieux et c’est un sacré voyage d’adieu que je lui fais faire. Histoire de tester mes nouveaux réglages, je profite de ma journée libre pour une grosse sortie, faire le tour de l’île de Montréal en une seule traite cette fois-ci. Un ultime hommage à celle qui m’a accueilli pendant un an dans ses jupons.
Ma journée maximum prévue dans mon itinéraire est un 110km, donc il faut que j’arrive avant de partir une sortie plus longue.
Visant pour l’instant la performance, je ne me charge pas entièrement comme pour mon voyage, je réserve ça pour le prochain coup. Je prends juste mon matériel photo et de quoi me sustenter.

Je commence par le côté Nord-Est, en passant par le Parc de la Visitation, plus loin les travaux pour le pont de la 25 ont repris je dois faire un petit détour mais rien de bien méchant. Rapidement me voilà au bout de l’île, les pistes cyclables rouvertes, j’arrive à rouler plus vite que sur la route trouée de partout.
Au début de mon séjour, j’avais déjà fait le tour de l’île en deux parties, le côté Est je l’avais fait en prenant Sherbrooke, j’avais alors évité du kilométrage, cette fois-ci je passe sur Notre-Dame pour longer les côtes tout du long. Je découvre alors des coins que je ne connais pas, des parcs notamment avec vue sur le St-Laurent et ses îles. Une grosse partie de cette hauteur de l’île est occupée par le Port de Montréal, les parcs laissent alors leurs places aux zones portuaires, raffineries et docks divers. Heureusement une piste cyclable slalom le long de la route, car la circulation il est dense, et les poids lourds abondants, j’envie les Japonais portant leurs masques anti-pollution.

Le port se termine aux abords du pont Jacques-Cartier,direction le Vieux Port, pour rejoindre le Canal Lachine, à cette hauteur j’ai parcouru 50km.
Lachine, je ne compte plus le nombre de fois où j’ai fait ce tour en vélo, le long du fleuve en longeant les rapides, où l’on a l’impression de glisser sur l’asphalte. Je fais ma deuxième pause, en regardant un rapace qui reste invisible aux autres passants absorbés par leurs problèmes.
Me voici au parc René Lévesque, parc où je m’arrête à chaque fois que je passe à Lachine, c’est mon point de non retour, je suis à 80km maintenant, soit je rentre par le canal, soit je continue pour encore 60km. Cette fois-ci je continue, et pars pour des terres nouvelles. Pas si nouvelles que ça, car j’y suis déjà passé une fois lors du tour de l’île par l’Ouest, mais étant donné que j’étais moins en forme que maintenant et que la fatigue préoccupait mes pensées, je n’ai pas admiré le paysage comme j’aurais dû.
Je profite de la vue sur le Lac Saint Louis à gauche et des belles maisons de toutes parts. Le comportement des cyclistes que je croise change subitement à croire que d’avoir décidé de continuer dans les terres perdues de l’Ouest de l’île, fait de moi un initié. A Lachine, les pseudocyclopro, avec la panoplie du Tour de France sur le dos et le vélo du prix d’une petite voiture, ne jettent même pas un œil sur moi et mon vélo noyés dans la foule des sportifs du dimanche présents sur la piste, par contre, ici dans le Far-West, tous les gars me saluent, et me passent le bonjour.
C’est peut-être le fait que je viens de dépasser le cap des 100km qui fait que je suis reconnu, il y a sans doute une caractéristique marquante entre gens familiarisés aux 100km, chose qui m’est encore inconnue pour le novice que je suis. La seule caractéristique que je distingue pour ma part, c’est que je suis puant de sueur et qu’à avoir gagné les regards des pseudocyclopro, j’y ai perdu le regard des étudiantes sortant de la fac, en tenue légère pour se nourrir dans Ste Anne de Bellevue.
Senneville, petit territoire anglophone de Montréal, où les maisons ressemblent aux villas d’Hollywood, n’allez pas croire que je vais encore faire une critique sur les riches, non je critique juste les anglais riches cette fois-ci. Après tout on est seulement jaloux de ce qu’on a pas.
Après cet havre de richesses, nous rentrons dans la campagne de Montréal, oui je vous assure il y a encore de la campagne à Montréal, bon une partie est transformée en terrain de golf, et l’autre en parc nature, mais il existe néanmoins encore des parterres cultivables.
Je profite de ce petit bol d’air frais et de verdure au bord du Lac des deux Montagnes pour me faire une dernière pause, avant de reprendre la dernière ligne droite, les derniers 30km. J’arrive au pont menant à l’île Bizard, il me reste donc à partir de maintenant toute la partie pourrie de Gouin pour conclure ma journée. Il faut toujours garder le meilleur pour la fin, sottise tout ça, dans la vie on ne sait jamais comment le chemin sera fait alors il faut s’habituer à finir par le mauvais, pour se remémorer les autres bons moments de la journée.

16h32, me voilà devant chez moi, l’heure est arrivée de devoir descendre de mon vélo, aie aie aie, 7h57 que je suis parti de chez moi, pour faire un 140km.

Se dépasser dans le sport c’est bien, mais si au final, tu as du mal à t’asseoir sur le trône en rentrant, quel est l’intérêt?

L’homme sera toujours esclave de la machine.

La journée est agréablement ensoleillée et la température tempérée. Au milieu de leur bassin s’asséchant, les mouettes palabrent inlassablement, autour, des bancs possédés chacun par leurs visiteurs opportuns, les yeux dans le vide, s’évadant de leur quotidien morose. A l’écart dans la scène un pin, retenant comme il le peut, un jeune homme, avec pour seul compagnie son ordinateur portable.
Il se trouve à distance de la scène, spectateur de tout ça, essayant de comprendre le discours incohérent que lui fait la mouette le regardant. Il regarde les gens parler, les oiseaux voler, les arbres bouger au gré du vent, les nuages prenant des formes qu’il lui semble familières.
Il regarde le monde, il regarde la vie.

Son épaule le lance, mon épaule me lance, assis contre son pin, il cherche une position plus confortable, en vain, il prend place sur la table de pique-nique qui lui fait les yeux doux depuis son arrivée.
La douleur à l’épaule ne disparaît pas pour autant, non mon épaule me tire toujours, mais bon c’est ça de devoir porter son vélo sur l’épaule pendant plus de 5 km.

Depuis une semaine je n’ai pas fait de longue sortie en vélo, bloqué par la pluie, le Samedi, je me suis contenté de faire une sortie sur le Mont-Royal. Hier j’étais en congé, l’occasion se présentait donc à une sortie, mais ne pouvant décidément pas aller chercher mes billets pour New-York les jours où je travaille, je mis de côté l’envie de partir pour finaliser ces préparatifs. Me voilà donc parti au Centre-Ville, pour me vider les poches du coût de l’autobus qui me mènera à la Big Apple, dans un futur proche.
Il ne peut plus en être autrement me voilà obligé d’aller foutre ma tête de français, chez les ricains. De toute manière, il était impératif, de profiter de ma venue aux Amériques, pour faire une coche, dans cette ville, pour sa démesure, son architecture, son art, son jazz, et aussi et surtout pour ces prix compétitifs pour le matériel photo.
Marre de mon appareil que je traîne depuis 5ans, prenant la poussière sur son capteur et me faisant passer pour un touriste, aux yeux de mes condisciples. L’heure est au renouveau et à l’investissement pour m’imposer dans le milieu que je veux percer.
L’habit ne fait pas le moine, mais avoir un 5d autour du cou, ça peut faire joli.

Pour ne pas me tromper dans mon choix, et limiter mon temps de parole en anglais, une fois sur place, je fais le tour des boutiques photos, pour avoir un avis sur mon choix de matériel, que je pense acquérir,ainsi les choses s’éclaircissent sur toutes les différentes abréviations liées aux objectifs, USM, IS, EF, EF-S,…
Le soleil est maintenant à son zénith, il est l’heure de se sustenter.

Les aiguilles tournent et je décide de partir faire mon entraînement. Pour composer les kilométrages, je pense me faire au moins 5 montée du belvédère. Je carbure, déjà 3 et je ne ressens aucune fatigue, je change même mes plateaux, pour faire la 4éme plus dure, dés le début de l’ascension je prends le bicycle par les cornes, pour partir en sprint, les muscles me tirent, je sens le déroulement du muscle à chaque nouveau coup de pédale me menant de plus en plus prêt de mon but. J’arrive à la zone plus légère de la pente, et m’apprête à monter encore d’une vitesse. Mais il en sera autrement, la vieillesse agit autant sur les hommes que sur les objets, la tension est devenue trop forte pour la mécanique de mon destrier, ma roue arrière se désaxe, frottant alors sur mon cadre et servant de frein à main.
L’homme a repris le dessus sur la machine.
Ce qui fait la différence entre l’homme et la machine est sans doute les sentiments, toutefois ces caractéristiques ne sont pas visibles sur toute l’espèce. Néanmoins pour ma part, je ne peux pas abandonner cet objet capricieux, du moins pas encore il est censé m’accorder ces loyaux services pour une période d’encore deux mois.
Finalement, l’homme que je suis redevient esclave, et se trouve à porter précieusement son vélo, comme le ferait un jeune mari aimant, en portant sa femme, pour franchir le perron de leur maison.
La route me paraît soudainement plus longue et moins plaisante que d’ordinaire, pour varier les plaisirs et le mal, je change conditionnellement de positions, me lançant dans une chorégraphie avec mon partenaire de route.
D’un pas lent et assuré, je parviens à rentrer chez moi, je pensais me crever aujourd’hui mais pas à ce point là.
Je regrette, car tout cela ne serait pas arrivé si je n’avais pas refusé l’invitation du Chaman 222 (Don Andres), à aller à l’île Bizard.

Une nouvelle fois, je me trouve en convalescence forcée, abandonné de mon moyen de locomotion, demain sera un jour sans grosse sortie, je ferais seulement une montée en vtt, pour aller faire les marches.  En me faisant draguer par des jeunes filles abordées par la quarantaine. Pourquoi les critères de séduction ne sont pas les mêmes chez les filles plus jeunes?

Après tout ça je me retrouve alors à ma table, avec le temps se rafraîchissant, les mouettes me restant toujours incompris. Je plie mon ordinateur et remballe mon épaule meurtrie, avec dans l’idée de me réconforter avec une intraveineuse de Nutella.

La digue

Cela devient un vrai calvaire de devoir chercher désespérément à pouvoir profiter d’un paysage délaissé par l’urbanisation galopante. J’éprouve une grande difficulté à découvrir des circuits possibles en évitant les gros axes routiers et les chemins que j’ai l’habitude de prendre. Il faut déjà rouler plus de 20km pour enfin aspirer sortir de la métropole Montréalaise, quand je prévois une sortie de 80km aller retour, je passe la moitié de mon temps en ville, et ce temps peu s’étaler si en plus je décide de partir vers le Nord en passant par Laval.
Je pensais aller vers l’île de Boucherville, mais pratiquement tout du long, on longe l’autoroute, ou bien alors aller vers Trois-Rivières sur la route du Roi, comme j’avais pris en voiture avec les parents, mais je ne pourrais faire que 30km qu’il faudrait déjà faire demi-tour pour me retrouver sur Notre Dame à devoir m’arrêter tous les 50m à un feu rouge.
J’ai trouvé après multiples recherches un nouveau parcours, libéré de l’oppression motorisée, et encerclé de végétation.
Me voilà sur le circuit Gilles Villeneuve, où la préparation pour le Grand Prix de F1 est déjà en œuvre, pour être prêt pour le 13 Juin. La limitation de vitesse est de 30km/h, je lève donc mon pied de mes pédales, et regards le montage des gradins, c’est là que je quitte le circuit, pour aller dans les coulisses, et passer sur une portion de la route verte.
Toutes les pistes cyclables ne sont pas encore ouvertes, c’est le 15 avril que commence la saison du vélo, pour les gugusses, en fibre de carbone, avant les pistes ne sont pas nettoyées.Je me retrouve alors devant une barrière, le temps de passer mon vélo et moi même par dessus et me voilà libre de rouler dans la tranquillité  hors de la ville.
Si vous regardez sur une carte de Montréal vous verriez qu’il y a une sorte de digue partant de l’île Notre-Dame jusqu’à la réserve de Kahnawake, le tout sur une distance de 40km.
Mon projet était d’aller jusqu’à la pointe après Kahnawake, ce qui me faisait un 50km, il me resterait à faire le retour pour arriver à mon prestigieux 100km.
La piste sur la digue est vraiment déserte, et la route est bonne c’est agréable on roule bien. Sur les arbres tout du long, des feuilles noires s’envolent en ma présence, leurs chants me poussant vers mon but, si je n’en ai pas vu des centaines, je n’en ai vu aucun. Carouges, corbeaux, corneilles, mésanges, mouettes,…
J’arrive à une écluse, et une grille me barre la route, j’avais oublié la raison pour laquelle je me trouvais seul, sur la piste. Je passe sur le côté il a un passage dans le grillage, et je me trouve aux abords d’un parc. Je suis au niveau des rapides, la piste cyclable rentre dans le parc, laissant de côté la route sur la digue, tout est fermé ici aussi, il faut attendre Mai, pour que les activités reprennent.
Je me trouve au bout du parc et la piste s’arrête net, plus de chemin, il ne reste qu’à faire demi-tour, je hais ce genre de chose, ils ne sont pas foutus de mettre des panneaux, pour montrer le tracé de la piste et éviter aux gens de faire des kilomètres pour se retrouver devant un mur de roseaux au bout. Je rebrousse chemin et reprends la route de la digue, mais je me trouve de nouveau bloqué par mon élan. Un panneau m’indique que je rentre dans le territoire des Kahnawake, et que sans autorisation, je risque des représailles. Je ne vais pas chercher des noises, pour les 10km qui me reste pour arriver à la pointe donnant sur le Lac St Louis, je fais donc demi-tour et reprends, ma piste en passant de nouveau la grille de l’écluse.
Cette fois, je me découvre des compagnons de route, j’ai croisé deux cyclistes. Le retour paré plus long, car voyant Montréal au loin, on a l’impression qu’on n’avance pas. J’arrive tout de même au pont Champlain, cependant il se trouve à 10m au dessus de ma tête et c’est une autoroute, il me reste une route possible pour me rendre sur l’île des Sœurs, l’estacade de Champlain. Dessus le fleuve paraît être une mer de part sa largueur, après les 2km de traversée, je me trouve sur l’île des Sœurs et de nouveau devant une grille, néanmoins cette fois-ci, il n’y a pas de passage et des barbelés au sommet de celle-ci. Au même moment un cycliste arrive de l’autre côté et me demande par où je viens, je lui dis que je viens de l’île Notre-Dame, voulant justement aller là-bas, il me propose de passer mon vélo et de faire la même chose pour le sien ensuite. C’est donc en grimpant sur la grille en portant nos vélos d’une main, que nous essayons de ne pas laisser nos roues, à l’appétit vorace des piques rouillées des barbelés. Nous voilà de nouveau à nous regarder à travers la grille, ayant remplacé la position que l’autre tenait il  y a un instant.
La route continue est m’amène à retraverser le Fleuve pour cette fois, quitter l’île, pour en retrouver une autre l’île de Montréal. Je devrais avoir fait pas loin de 50km depuis ce matin, je décide alors de continuer mon parcours en allant au Parc René Lévesque, puis revenir par le canal, comme je l’ai fait plusieurs fois déjà. La piste le long du fleuve est lisse, glissant comme sur une patinoire, je peux prendre de la vitesse et gagner du temps pour mon retour. Arrivé au parc, je profite de la vue sur le Lac St Louis, et me repose un peu en m’allongeant sur un banc, avec pour oreiller mon sac de randonnée, et comme livre de chevet un recueil de Prévert. Mon dos est prêt à repartir avec cette charge, pour encore une vingtaine de kilomètres restant.
Mes jambes commencent à avoir du mal à me faire avancer et mes reins souhaiteraient lester leur corvée. Arrivé à Atwater je souffle encore un peu, car le plus dure reste à venir. Je m’entraîne pratiquement tous les jours maintenant à enchaîner les montées du Mont-Royal, progressant depuis le début, gagnant de l’aisance pour la grimpette, il me faut aujourd’hui augmenter le challenge, et oublier les montées à vide, mais réussir à monter chargé comme le baudet que je suis.
Tout d’abord, il me faut monter Atwater, jusque Sherbrooke, quelques heures isolé de la circulation, m’avaient déjà fait oublier la jungle de Montréal, heureusement mes réflexes sont toujours là, me permettant d’éviter une porte s’ouvrant à mon passage par un abruti. Me voilà sur Sherbrooke, et je tourne sur l’avenue Mountain, portant très bien son nom, je n’ai jamais vu une pente aussi à pique, j’enfile donc mon tutu, pour monter en danseuse, ce mur, j’aurais du prendre mon équipement d’escalade, chaque coup de pédale me brûle les cuisses, un torrent dégouline de mon front, laissant une trainée comme preuve de mon passage, je suis prêt à monter à pied, mais mon égo ne veut pas céder me donner ainsi un second souffle, puis un troisième, autant qu’il en faut pour parvenir au sommet de cette foutue rue. Me voilà sur du plat, je tourne à droite, puis à gauche pour une autre montée, moins pénible, et de nouveau à gauche pour me retrouver sur The Boulevard, la route me permettant de faire mon demi-tour et de baisser mes vitesses avant de me refaire la montée jusqu’au belvédères de Wesmount. A Aberdeen, je tourne à droite et commence alors, mon ascension habituelle jusque le belvédère, après la montée de Mountain, ma fatigue est retombée, je dois avoir plus de 80km dans les jambes, mais je me sens frais comme quand je fais la montée pour la première fois au matin. Il faut vaincre le mal, par le mal.
Voilà j’y suis, il est temps d’admirer la vue, et de regarder tout ce que j’ai pu faire aujourd’hui,car on distingue la digue, le tour de Verdun et la montée du final.
Je redescends tranquillement jusque chez moi, quand un gars me double sur St-Laurent, je le chasse donc et brûle mes dernières cartouches pour le rattraper.
Sans le compteur de David, c’est difficile d’être précis, mais selon le site qui m’aide à faire mon tracé pour mon voyage j’ai fait entre 90-100km, avec pour finir une montée de 170m d’Atwater, au belvédère, sans oublier mon fidèle sac d’une quinzaine de kilos.

Départ de chez moi à 8h

Circuit Gilles Villeneuve

Ecluse de Ste-Catherine

Récré o Parc

Réserve Kahnawake

Estacade Champlain

Fleuve St-Laurent

Lac St-Louis

Atwater

La playa d’Oka

Jamais deux sans trois, il est temps que nous remettions ça, j’ai des nouveaux pneus à tester en plus. Suite à ma crevaison, j’ai pris une sage décision et ai agi en conséquence, du lendemain même, je suis allé acheter des nouvelles chambres à air et j’en ai pris une en réserve au cas ou, puis j’ai investi dans des nouveaux pneus. Les miens commençaient à être vieux, le caoutchouc était aussi épais qu’une feuille d’OCB, ce qui est peut être bien pour rouler, j’en conviens, mais pas pour l’usage que j’en fais.

Les températures ont baissé, fini les 23° de la semaine dernière, le vent les a chassés vers le sud, nous en laissant tout juste une dizaine. Le vent s’est donné du mal pour chasser aussi notre motivation mais nous sommes restés braves. C’est donc faisant acte de bravitude (cf: Ségoléne Royal), que nous partons de bon matin, vers le Nord de l’île, remontant le courant de la rivière tels des saumons.
J’ai descendu le niveau de chargement pour cette fois-ci ne prenant que mon sac photo et de quoi manger, sans oublier de quoi réparer en prévision d’un flat.
Rapidement, ou du moins, péniblement, nous arrivons au niveau du pont permettant d’aller sur Laval, nous voila sur l’île que je maudis, lieu de laideur, et lieu où je me perds à chaque fois que j’y pose un pied. Continuant vers l’Ouest suivant la piste cyclable nous avançons bon gré, bon vent, en essayant de ne pas descendre de mon vélo pour éviter de fouler ces terres, quand soudain, un stop, pardon, un arrêt, se dresse devant moi, ainsi qu’une voiture venant de l’autre bord, je freine, suis à la rupture de l’équilibre et flanche mollement sur la droite, le mal irréparable est fait, la malédiction est lancée, mon pied est au sol.

Nous suivons le tracé de la piste cyclable, quand je me rappelle un passage qui fait un détour dans des résidences, fièrement je conseille de continuer tout droit et de ne pas suivre la piste, nous la retrouverons plus loin,…
Nous passons au milieu de maisons sosies, sur une distance d’une kilomètre, quand je me rappelle un passage qui mène à l’autoroute, et à un pont qui permet de traverser ce torrent de véhicules motorisés roulant à pleine vitesse.
Oups, ce n’est pas l’endroit que je pensais, tant pis, c’est un petit détour, prenons le pont qui se trouve au loin, nous traversons ainsi l’autoroute, et nous nous trouvons sur la 117, autrement dit, nous allons vers le Nord alors que nous devrions aller vers l’Ouest,…, pas de soucis nous tournons la prochaine à gauche, une belle route toute neuve nous accueille, et nous amène tout droit à un cul de sac au milieu d’une zone industrielle.
Une pause s’impose, je regarde la carte avec le peu de route que l’on distingue sur Laval, avec toutes ces autoroutes qui l’entre coupe. Moi qui pensais longer la rivière sur la rive Sud, je nous ai amené pratiquement sur la rive Nord en coupant à travers l’île. C’est pas grave, on a juste fait un petit détour, d’une dizaine de kilomètres, foutu île de merde. Nous revenons sur la 117 et tournons cette fois plus loin en retrouvant une piste cyclable, nous avançons vers l’Ouest, et tombons à nouveau dans des résidences, un petit labyrinthe nous faisant tourner de droite à gauche, nous faisant perdre le peu de sens d’orientation qu’il nous reste, nous tombons enfin, sur une rue avec le « O suivant le nom de la rue, indiquant que nous sommes bien à l’Ouest, à gauche un pont passant l’autoroute, à droite une longue ligne droite, nous prenons la ligne droite, pensant que c’est l’autoroute que nous avons déjà passé tout à l’heure, et après quelques coups de pédales, nous nous rendons compte que nous allons vers l’Est, et que l’autoroute n’était pas la même, que celle-ci se trouvant devant nous, AHHHHHHHHHHHH!
La solution est simple nous prenons à gauche et allons vers le Nord, ainsi plus loin, nous arrivons sur Ste-Rose, la route qui longe la rive Nord, il ne nous reste plus qu’a remonter le courant pour arriver finalement au barrage que nous devons traverser. Après quelques lacets, et un jardin rempli de sculptures me donnant inspiration, nous arrivons à ce foutu barrage.
A partir d’ici des terres inconnues ouvrent leurs portes à ma curiosité, nous passons le barrage et nous voilà dans la commune de Deux Montagnes, détrompez vous, la dénivelée n’est pas élevée, c’est juste le lac à ses pieds qui porte le nom de Deux Montagnes.
La route verte, qui s’avère être en fait une route comme toutes les autres, faites de bitume gris, est un tracé de piste cyclable qui parcourt pratiquement la totalité du Québec, où du moins c’est la route cyclable la plus étendue. C’est sur cette dernière que nous continuons notre périple, avançant contre vents et marées, la vitesse de croisière est de … 12km/h, non non nous ne courons pas, nous sommes bien en vélo, mais avec un vent d’Ouest 40km/h dans la tronche depuis plus de 30km, forcément l’énergie s’amenuise.
Traversant lotissements, double voies, bois et marécages, longeant campings et parc nautique, avec toboggan avec un angle de 70° , nous sommes finalement déclarés les bienvenus dans le parc d’Oka.
La route monte, le nom du Lac prend enfin tout son sens, nous découvrons les deux montagnes. Nous voici en pleine mer, grimpant les vagues asphaltées, suivant les courbes vallonnées du secteur, la tempête fait rage, risquant d’envoyer nos casquettes ,vissés sur notre tête, par dessus bord. L’aplat revient et nous rentrons dans la forêt pour découvrir avec grand bonheur notre objectif, la plage d’Oka. Le bonheur ne vient pas de l’idée d’une éventuelle baignade, non la température est trop froide, mais de l’idée, de l’agréable idée que le plus dur est fait, 47km sont faits, il ne nous manque plus qu’à faire demi-tour, mais cette fois, le vent sera dans le dos.
Le repos au bord du lac est appréciable, les jambes profitent de ce moment d’inactivité, et moi j’en profite pour faire des photos.

En allant aux toilettes dans l’accueil se trouvant au bord de la plage, David entend un signalement  » deux cyclistes sont rentrés sans payer dans le parc, le signalement n’est pas défini, mais les agents sont priés de les aborder,… » , oups le parc est payant? En sortant du parc, nous ne voyons aucun péage et aucun agent par la même occasion.
Les vagues sont plus faciles à gravir cette fois-ci car le vent nous porte, nous faisant surfer sur celles-ci, du fait de ne plus avoir de difficulté à repartir après un arrêt, je fais quelques haltes le long de la route pour photographier. Sur une pente dans le bas côté, je descends pour aller prendre le cours d’eau, le parterre est fait de feuilles mortes détrempées, c’est donc glissant, je remonte laborieusement, quand quelque chose au devant de mon pied attire mon attention, je vois alors un serpent, mesurant au moins 10m de long, et étant gros comme un furet, je prends peur et gravis la pente avec entrain. En y repensant l’esprit reposé et la surprise estompée, le serpent n’était pas si grand que ça, c’était juste une couleuvre.
Revenant dans la civilisation, ma frénésie photographique se calme et je me concentre juste sur ma conduite, brandissant les muscles de cuisses pour me donner davantage de vitesse.
En revenant sur Laval, nous faisons une pose au bord du barrage, nous laissant bercer en comptant les avions tachant le bleu immaculé du ciel. Du barrage, je me rappelle de la route que je voulais prendre à l’aller, et finalement nous faisons 6km de moins que par mon détour du matin.
Le résultat de cette journée est au final un petit 90km, mince et moi qui visais les 100km, avec le vent de dos au retour c’était faisable de faire plus, mais les premiers 47km étaient vraiment plus que pénibles, tant pis les cent seront pour la prochaine fois, pour une journée moins venteux. Pour la peine demain, on devra faire plus de montée au Mont-Royal pour rattraper les 10km manquants.

Jardin aux sculptures

Playa Oka

Je mouille comme une …

Motivé à faire un dernier gros entraînement avant une journée de repos forcé, car demain je bosse toute la journée, j’avais dans l’idée de pédaler encore un petit 80km.
Le temps n’est pas du même avis que moi, il est prévu de pleuvoir toute la journée. Je me rabats alors à faire une nouvelle fois le Mont-Royal.
7h30 me voilà dehors, les cuisses tirent un peu demandant du repos, mais rapidement elles s’échauffent, cessant de ce fait, de me prier que je prenne mon repos dès aujourd’hui.
Mon fidèle ami, se dresse comme à son habitude devant moi, essayant de m’intimider par sa hauteur, je lui rigole au nez et enfourche mon vélo pour lui rouler dessus, Camilien Houde, voilà encore une fois que je te monte, tu fais partie de moi désormais, tu va me manquer mon ami, à mon retour au pays.
L’habitude voudrait qu’une fois en haut du Mont, je me fasse les escaliers, mais j’ai autre chose en tête, hier j’ai finalisé mes tracés et mes étapes, et au vu de certaines dénivelées qui m’attendent, je laisse de côté la cardio, pour me concentrer uniquement sur l’effort musculaire en ascension.
Je monte alors par deux fois la montée du côté du Lac des Castors, la fin est tellement pénible que l’on dirait qu’un spectateur farceur, a mis lecture au ralenti avec sa télécommande. La brume est de plus en plus épaisse, si bien que l’on ne voit plus le bas de la montée.
Mes cuisses en redemandent encore, gentleman que je suis, je ne peux me refuser à céder à leurs caprices et me dirige donc vers le belvédère de Westmount, la montée est pas mal facile avec ce que j’ai fait avant mais une fois au belvédère, je redescends de l’autre bord. Cette montée est d’un autre degré de difficulté, petite vitesse de rigueur, impossible de la monter autrement que sur le plus petit plateau, enfin impossible pour l’instant. J’ai déjà progressé dans la montée de Camilien, il n’y a pas de raison que je n’arrive pas à monter avec plus de résistance celle-ci plus tard. C’est dans cette perspective de progression que je la redescends pour mieux la monter une seconde fois.
Mes poumons demandent plus d’oxygène, j’arrête donc cette fois ci et prends la route du retour, mais avant de descendre Camilien, je fais une dernière fois la montée du Lac des Castors, je commence à penser que je suis un véritable drogué. Je suis accro du sentiment d’accomplissement de soi une fois que l’on donne le dernier coup de pédale qui nous amène au plus haut de cette pente, qui nous a demandé tant d’effort, tant de rage. Les cuisses brûlent, l’air devient plus difficile à trouver, je suis indéniablement sado-maso, hummm oui fait moi mal coquine…

Me voilà redescendu avec le commun des mortels, le gorille que je suis sors de la brume des hauteurs, pour se retrouver dans la brume des vapeurs de la pollution. Le temps est à l’heure de l’Apocalyspe, on se dirait au crépuscule alors qu’il est seulement 9h, les nuages sont pratiquement noirs, Dieu se mettrait-il au gothique? Eole souffle de toute son âme, faisant danser les arbres, comme les flammes d’une bougie caressées par une brise légère. Le temps s’arrête un instant, le vent s’apaise, puis les chutes du Niagara se déversent sur moi. Pas de préliminaire, pas de petites gouttes en éclaireur avant le gros de la troupe, non l’attaque est directe et sans pitié. La pluie est tellement dense et forte, que je ne vois plus rien, mes yeux n’arrivent pas à rester ouverts. Il suffit d’à peu près 380 secondes pour que je me trouve liquéfié, mes habits me collent, mes chaussures sont des piscines pour mes orteils.

Je profite du faible taux d’humidité dans mon appartement, pour rester chez moi l’après-midi.

2éme sortie, la vraie!

L’entraînement intensif quotidien continu, le palier est maintenant à 8 aller-retour pour les marches et une descente à 60km/h pour le vélo. Par contre une nouvelle affaire est rentrée en ligne de compte, David a maintenant son nouveau vélo, un vélo-cross tout beau tout neuf, fini le temps où je pouvais exposer ma supériorité grâce à mon vélo de route face à son vtt, je ne serai plus celui qui crée l’échappée, mais celui qui sera suivi de la voiture balai.

Pour baptiser ce nouveau jouet, quoi de mieux qu’une grosse sortie, du type le Mont St-Bruno, 75km avec dénivelé de 140m, saupoudré d’un sac de 15kg sur mon dos pour ma part et de mon nouveau sac guidon, abritant mon appareil photo, afin de m’habituer aux conditions que je devrai subir avec joie et bonne humeur pendant un mois.
8h du matin, nous prenons la route, direction le Pont Jacques-Cartier pour la liberté, franchir ce pont est pour moi, un grand moment à chaque fois, il symbolise l’opportunité de quitter la belle grise Montréal. Bon je dis à chaque fois, même si je ne l’ai franchi qu’une seule fois vraiment en vélo avec l’intention de voir ce qui se tramait à l’autre bout de l’horizon.(cf: le lac Champlain).
Je me vois déjà le retraverser dans quelques semaines pour marquer le départ de mon Odyssée.

Nous voici à Longueuil, sur la rive Sud du St-Laurent, nous slalomons de rue en rue, en évitant les trous béants s’ouvrant devant nous. Je me demande si il y a des gens qui font du vélo dans les mairies pour laisser les rues comme ça, c’est aussi dangereux que de s’aventurer sur un glacier en évitant les crevasses profondes de plusieurs mètres. On se demande si il y a eu un tremblement de terre, serait-ce en mémoire aux Haïtiens? Non franchement c’est vraiment abuser à ce stade ça serait moins pire qu’ils enlèvent le revêtement et que l’on roule à même la terre.
Seulement une portion de route de 500m est bien entretenue, bon d’abord j’exagère elle devait bien faire 700m au moins.
Petit à petit l’oiseau fait son nid et nous nous continuons notre chemin, nous voilà à l’aérodrome de St-Hubert, sympa d’avoir un aérodrome pour un Saint, c’est ça de prendre le beurre, l’argent du beurre et la crémière, sacré St-Hubert 41 éme du nom. La route ici est mieux, et moins fréquentée de quoi se faire un petit sprint à 49km/h, mes cuisses me brûlent quand David me rattrape, …, je demande au juge un nouveau vélo. C’est pratique David à mis un compteur sur son vélo, on peut donc se la péter maintenant en disant à combien on roule.
Nous voilà dans la bourgade de St-Bruno, la route monte légèrement mais en continu, bizarrement il me semble que David devient de plus en plus petit, et que mon sac devient de plus en plus lourd. Nous voilà à l’entrée du parc du Mont St-Bruno, pause dépôt sac et prise d’énergie en mangeant des fruits, nous voilà avec 30,7km de fait en 1h15, vitesse moyenne 24km/h, sac allégé de deux bananes et une pomme et de quelques ml d’eau.
Le sentier est de terre, avec petites caillasses, la pente monte toujours, à notre droite le Lac du moulin, après quelques mètres à notre gauche le Lac Seigneurial, au pied de celui-ci, la maison de Georges Brossard, passionné d’insectes, c’est après avoir rassemblé 250000 spécimens qu’il propose à Montréal de faire un insectarium, en 1989, depuis il a doublé cette collection et ouvert d’autres insectariums dans le monde. Sa Maison est à son image, décorée de toutes sortes de reproductions d’insectes.
Une petite montée nous attend, j’ai de plus en plus de mal avec mes roues lisses comme le cul d’un nouveau né, de ne pas patiner sur les graviers. Le lac des bouleaux, nous accueille finalement avec encore quelques glaçons dans ses eaux.
Une nouvelle pause s’impose pour profiter du bon air frais avant de repartir sur la route et retourner à Montréal.
Le sac allégé de quelques fruits, nous pédalons pour le retour, nous pédalons tant que nous le pouvons, nous ne prenons pas le même chemin et une grosse montée se dresse devant nous, nous aurions dû venir en vtt pour finir car nos pneus patinent sur les cailloux, nous montons avec vélo en main jusqu’en haut. Une belle descente nous ouvre la voie, mais des barrières tous les 5m sont installées, pour empêcher de descendre en vélo, nous continuons donc bras dessus bras dessous avec nos compagnons de route, quand nous arrivons sur un sentier fait de terre et de roches pointues sortant de celle-ci, pour ne pas risquer de crever les pneus, je prends mon protégé à bras le corps, je déclare ma séance de musculation de la journée réalisée.
Enfin nous retombons sur un sentier plus praticable, qui nous amène sur le rang 25, nous revoilà sur un décor plus familier, goudron, nids de poules et voitures. Le vent a tourné depuis ce matin, à moins que ça soit tout simplement nous qui sommes en sens contraire, quoi qu’il en soit, le priseur de vent posé sur mon dos joue son rôle à merveille, jouant sur mon humeur et la circulation d’ endorphine dans mon organisme.
Nous tournons sur la montée de Montarville, où nous surplombons l’autoroute à l’aide d’un pont, sur lequel une ultime poussée d’énergie, fouette mon sang, j’arrive même à doubler David, ce même David qui est devenu un petit point noir loin dans l’horizon après la descente et la longue ligne droite, jusqu’au rang de la Savane.
Il nous reste à traverser cette brousse pour rejoindre Longueuil et s’approcher de notre repos tant convoité, nous filons bien comme des antilopes, me collant à la roue de David comme une mouche sur la merde d’un gnou. C’est crinière au vent que le lion qui est en moi, suit sa proie, jusqu’à ce que je m’arrête pour regarder les grands coucous qui se cachent derrière leurs cages.
Notre safari s’arrête ici, en reprenant le chemin de Chambly, puis peu après la route pour moi s’arrête définitivement à cause d’un $%#@% de petit  %$§ qui s’amuse à casser du verre sur la route. Je rêve d’un jour où l’humain sera responsable et respectueux de son environnement. Me voilà avec un flat, décidément je suis abonné ici (cf: St Hyppolite), j’essaie de regonfler mais rien à faire le pneu se dégonfle de suite, je sors alors les outils que j’ai eu la bonne idée de prévoir hier, seulement une bonne idée est bonne, uniquement quand elle n’est pas bâclée, j’ai vérifié la taille de l’écrou de ma roue, seulement un vélo à deux roues et il se trouve que la taille des écrous de devant et de derrière ne sont pas les mêmes (soupir). Je suis donc bloqué avec ma roue à plat, David se propose de retourner à Montréal seul, et de revenir me prendre avec sa camionnette. Ça à du bon de faire la route avec quelqu’un, il reste à faire 16km pour retourner à l’appart, je prends donc mon mal en patience, en me faisant une sieste sur la table de pique -nique se trouvant là où je me trouve. Je le savais bien que la journée ne pouvait pas être si bonne que ça, j’ai hésité d’ailleurs à prendre mon livre avec moi ce matin, c’était un signe.
Après 1h30 de sieste, de méditation, de comptage de voitures sportives que l’on ne trouve pas en France et réflexion sur l’achat de nouveaux pneus et de chambres à air anti-crevaison, David arrive avec son char. Délivrance!!!

J’espère arriver au bout de la prochaine sortie. 110km? ouais pourquoi pas.

En route vers la liberté

Lac Seigneurial

Lac des Bouleaux

Mont St-Bruno

Sieste en attendant mon rapatriement