Depuis un moment, je souhaitais retourner à l’est de l’île dans le parc des Pointes aux Prairies, je suis allé une seule fois là bas, dans les premières semaines de mon arrivée à Montréal. Je commence à en avoir marre de tourner dans les mêmes coins de la ville, de plus le froid et la neige, me bloquent pour me permettre des aventures plus loin. Mais, ce matin un beau bleu colore le ciel, et le soleil brille de mille feux, c’est le mariage idéal pour sortir de sa torpeur et trouver le courage de faire un petit 50km avec un vent qui vous fouette le visage à -10°c.
Je descends donc vers Laval, pour être au bord de la Rivière des Prairies, je ne traverse pas le pont et reste sur ma bonne vieille île pour prendre Gouin, le courant étant moins fort que sur le St-Laurent, la rivière est gelée par endroits formant un tapis de glace, pratiquement d’une rive à l’autre. Une piste cyclable longe la rivière tout du long, mais elle est fermée du 15 Nov au 15 Avril, donc il n’y a pas de service prévu pour les déblayer, par endroit il faut donc rouler sur une vraie patinoire, je me contente donc de rouler sur la route toute craquelée par le gel, jamais je n’ai connu de routes aussi déglinguées que sur Montréal, heureusement il n’y a pas grand monde sur la route, je peux donc rouler au milieu, où il y a moins de nids de poule.
Rapidement, j’arrive au niveau du Parc de la Visitation, je ne peux pas pratiquer la piste, mais du haut de la rue, je vois néanmoins l’eau sortant du barrage qui canalise la rivière, cette eau forme des remous qui freinés par les rochers, se transforment en blocs de glace je descends donc qu’en même dans le parc pour voir ces minis banquises, en faisant gaffe de pas tomber en roulant sur la glace.
Je ne cesse d’avoir les yeux rivés sur la rivière emportant les plaques de glace, l’hiver est spécial cette année, il n’y a pas de véritable grand froid et pas beaucoup de neige, la température ne cesse de faire le yo-yo, certaines journées nous sommes au dessus de zéro, le début de la semaine prochaine il est prévu 7°c, c’est ce changement de température, qui fait qu’il y a plusieurs débâcles durant l’hiver, il ne faut donc pas songer à traverser la rivière sur la glace, elle n’a pas le temps de durcir assez. Finalement à force de rêvasser, j’arrive rapidement à hauteur du marais, du parc des Pointes aux Prairies.
Le Parc est divisé, en trois parties, le Marais, le Bois et la Clairière où l’on peut pique-niquer en été. Le Marais est beaucoup prisé par les observateurs d’oiseaux, car de nombreuses espèces y viennent toute l’année. Je range donc mon vélo, et me dégourdis les jambes, le parc est transformé en grands terrains de jeu pour les skieurs de fonds, et les marcheurs à raquettes, je ne fais partie d’aucun de ces groupes, mais cela ne m’empêche pas de braver la neige pour errer au milieu des mares gelées. Avec toute cette neige, ce que j’aime bien c’est voir les grandes étendues nues, immaculées de blancheur, je quitte donc les sous bois, pour aller marcher de mare en mare.
En ce moment j’étudie pas mal la survie en milieu sauvage, donc j’étudie la chasse, la botanique, … et je commence à savoir reconnaître des traces d’animaux, et je m’amuse a observer toutes les traces qui tapissent la neige, lapins, écureuils, renards, et oiseaux,… Toutes ces traces, révèlent la vie sauvage, et sont les restes d’un ballet de figurants se cherchant mutuellement.
Je ne vais pas dans la partie boisée, car les grands arbres nus ne m’inspirent pas beaucoup, mais la clairière m’enchante plus. Je traverse donc dans la neige épaisse et vierge, pour me retrouver de nouveau sur les pistes de randonnées. J’y vois d’ailleurs de nombreux couples, en raquettes ou en skis, moi je suis seul et en simples chaussures de randonnées, décidément je ne sais pas faire comme tout le monde. Je trouve une chose dommage dans la situation du parc, c’est qu’il est situé juste à côté d’une voie de lignes à haute tension, alimentant Montréal, donc forcément ce n’est pas des petits pylônes et ça déstructure un peu l’image nature du parc. Pour revenir au marais, je passe par un grand corridor entre des arbres habités par de nombreux oiseaux, et un mur de roseaux. Corridor qui m’amène à une autre mare, que je m’empresse de marquer de ma trace, me mêlant au ballet de la vie sauvage plutôt qu’à celui des skieurs et des tennismans pédestres.
Je retourne à mon vélo quand un groupe d’ornithologues amateurs, pointant du doigt le ciel et se tordant le cou en le regardant, titillent ma curiosité, et je me trouve aussi à me tordre le cou, en cherchant ce que leurs doigts pointent, c’est un avion? c’est superman? nonnnn, c’est un faucon . Bon le rapace est vraiment haut donc je n’ai pas pris de photo, ne voyant qu’un petit point noir dans un fond bleu, que certains, pourraient prendre simplement pour une poussière sur mon capteur.
Sortant du parc, je me retrouve au bord de la rivière avec cet aller venu continu de plaques de glace, je me pose alors le long de la route assis sur la rambarde pour regarder ce spectacle méditatif, tout en mangeant une orange pour recharger mes batteries pour le retour. Il fait froid mais habillé de l’écharpe que m’a faite ma mère récemment, je peux rester ici perché sur ma rambarde sans craindre la morsure du froid, la fameuse écharpe fait 3m de long, donc après avoir fait deux tours de mon cou, il reste encore deux bouts pendants parterre, je peux alors me l’enrouler autour de mon corps en formant une énième épaisseur.
Pour le retour, le vent est de face et le soleil aussi, je regrette alors de ne pas avoir pris mes lunettes de soleil, car je pleure comme une madeleine et j’ai du mal à garder les yeux ouverts par l’éblouissement et le souffle. Heureusement, malgré mes larmes, j’ai su ne pas passer à côté d’une occasion sympathique, que je ne risque pas de voir en France. En regardant, sur la rivière j’aperçois une cabane de bois dessus, ni une ni deux, je freine pour aller voir de quoi il s’agit. Deux groupes sont sur la glace, avec leur abri, en attendant que leurs lignes se fassent mordre par un pichon. Ces gens font de la pêche sur glace, après avoir fait un trou dans la glace (profond de 50cm par endroit), il laisse leur ligne à un piquet avec un balancier, ainsi quand le poisson mord, le balancier se lève, et l’on sait qu’il y a une prise. Il y a plusieurs systèmes de balanciers, drapeau, simple bâton,.. le principe reste le même, le but étant de manifester la prise, car chaque personne à plusieurs trous donc c’est pour ne pas rester à attendre devant chaque ligne. Le monsieur avec qui j’ai le plus parlé, avait une bonne vingtaine de trous. Pour faire le trou, la foreuse, a remplacé la scie donc c’est moins pénible, mais la contrainte du froid reste là, c’est pour ça que le cabanon est le bienvenu pour se réchauffer auprès du poêle.
La pêche n’est pas super aujourd’hui, ils n’ont péché que quatre poissons, des perchaudes, dont deux pendant que j’étais là, me permettant de faire une photo. L’autre groupe à un Doré de 2-3livres mais rien d’autre.
Le soleil se couche donc les immeubles à côté, forment des grandes ombres, ne facilitant pas les prises de vue, je décide donc de continuer ma route. Mes jambes ont du mal à finir à me porter jusqu’au bout, après l’aller, plus la marche au parc, elles ont déjà bien donnés pour la journée, et par une dernier effort, je parviens à retrouver mon chez moi. L’inconvénient avec le vélo d’hiver, c’est que les pieds, et le cul ne bougeant pas, ils ont du mal à se réchauffer, et malgré le fait de bouger les orteils dans la chaussure, après un long parcours, ils sont gelés, j’enlève donc mes chaussettes trempées pour les réchauffer avant qu’ils ne se cassent.
Conclusion: cette journée a été un vrai souffle d’air frais, remplie d’évasion mentale, me redonnant un coup de fouet, même si j’étais complètement lessivé au retour. Je prévois un tour du même type de l’autre côté de l’île prochainement.
Parc de la Visitation
Riviére des Prairies version congelée
Parc Pointes aux Prairies
Péche sur glace